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« Des lieux de culte pour tous » : voici le titre de l’article de Michèle Delaunay, qui nous occupe aujourd’hui.
Cette brave dame, député socialiste, pourrait nous paraître sympathique à première vue. En effet, en 2007, elle battit Alain Juppé à Bordeaux.
Souvent présente à l’Assemblée nationale, madame Delaunay n’a pas vraiment brillé pour ses prises de paroles. Au fond, elle ressemble à la majorité de nos députés. Elle ne fait pas de vagues, et vote ce que son groupe lui demande de voter.
Mais c’est sur ce tableau bien terne que se dessine l’abîme de la pensée, la négation de l’intelligence, la honte de la représentation nationale. Comme presque tous nos dépitant députés, madame Delaunay est bien-pensante. Elle fait son marché sur la grande place des idées en vogue, et prend un peu d’humanisme béat par-ci, un peu de tolérance par-là, en composant son petit panier de parfait soldat du vivre-ensemble : « Des lieux de culte pour tous », affirme-t-elle. Très bien ! Mais où veut-elle en venir ?
Invoquant la loi de 1905, elle affirme que cette dernière "assure la liberté de conscience et garantit le libre exercice des cultes". Utile rappel à la loi, qui, entre parenthèses, montre à nos chez amis laïcards que la religion n’a pas à être cachée, puisque son libre exercice doit pouvoir être garanti. Il est par ailleurs cocasse de voir certains hommes politiques rapprocher prières de rue et processions au nom de la laïcité, alors qu’ils occupent eux-même la voie publique avec leur piétaille syndicale. Or, le racolage électoral revient, ni plus ni moins, à faire un acte de prosélytisme, que ces bonnes âmes critiquent à longueur de temps. Cohérence, pourquoi nous as-tu abandonnés ?
Mais cette chère madame ne s’arrête pas là : « Rien n’interdit à cet Etat... de mettre à leur disposition [des religions, ndlr] des lieux de culte afin d’en garantir le libre exercice ». Où diable veut-elle en venir ? Veut-elle dire qu’il faudrait que l’Etat bâtisse des temples, des églises, des mosquées ou des synagogues, pour répondre aux besoins ? C’est déjà plus ou moins le cas, lorsque les communes, par la subvention de "centres culturels", aident à la construction de lieux de culte. Si on peut estimer que cela contrevient à l’esprit de la loi de 1905, il faut admettre que c’est là une solution pragmatique. L’Etat ne finance-t-il pas directement la vie politique ou diverses associations, les organisations maçonniques pouvant recevoir des subventions, parfois très élevées ? [1] Là encore, il y a une question de cohérence.
Mais il n’est nulle part question de cela. Prenant prétexte du drame de Stains, le jour de Pâques, notre nouvelle amie s’improvise théologienne : « Si Dieu existe, c’est sûr qu’il est unique... Aristide Briand devait bien être de mon avis et rien dans sa loi n’empêche les communes de mettre à disposition des religions qui n’en ont pas, des lieux qu’ils pourront utiliser pour leur culte... Rien à ma connaissance n’interdit à nos grandes religions exercer leur culte dans un lieu qui ne leur soit pas exclusivement dédié. »
La voilà donc canoniste, rabbin, imam, pasteur, le tout à la fois, en pleine réflexion dans son petit Concile œcuménique mental... L’onction populaire de l’élection semble faire des miracles. Le « Rien à ma connaissance » est à ce regard assez emblématique... Cette dame ne connaît rien. Un lieu de culte doit être consacré. Et il ne peut pas être consacré pour plusieurs religions à la fois. Souvenons-nous du livre des Macchabées, lorsque les juifs, vainqueurs, purifièrent le Temple et détruisirent les autels à la masse. Non mais soyons sérieux, une petite minute une iconostase d’un côté, un mirhab de l’autre, le tabernacle en face de la Torah ? La tête à moitié couverte, et des horaires d’ouvertures spécifiques pour les femmes ? Quelle idée de la religion se fait-elle ? Il existe des salles omnisports, alors pourquoi pas des salles omnicultes ? Belle invention, c’est très citoyen ! Mais assez vite, des écueils apparaîtraient, comment ferait-on, le Vendredi Saint : le matin aux musulmans, l’après-midi aux catholiques et aux protestants en même temps ? Si ça, ça ne risque pas de mal finir... Mais madame Delaunay, humoriste de l’année, tranche la question avec un vibrant « Dieu y pourvoira » : hilarité dans l’assistance.
Mais ce n’est pas fini. La mère Michèle rajoute, « Toutes prônent la suprématie des biens de l’esprit (au sens le plus large de ce beau mot) sur les biens matériels et nul de leurs fidèles n’a besoin de décors fastueux pour prier. Mais d’un décor paisible, décent, digne, propice au rassemblement comme au recueillement (sic) ». Elle nous explique donc quel doit être l’aménagement d’un lieu de culte, du haut de son ignorance, lançant aux intolérants cette leçon péremptoire : « Toutes prônent la suprématie des biens de l’esprit sur les biens matériels ». Après ce que nous venons de lire, le seul commentaire qui me vient est : « T’occupe, mémère ».
Mais notre bonne âme est tolérante : « Il en faudra en effet pour organiser, apaiser, expliquer, faire comprendre ». Oui, il faudra un travail de rééducation. Parce que bon, ces tas d’intégristes ne voudront pas, évidemment. Alors on apprendra ça à l’école. Puis la prochaine étape sera de distribuer les églises aux autres religions, de ménager un emploi du temps pour les différents cultes, parce que de toute façon, des catholiques, il n’y en a plus guère, et que de toute façon, vu que les biens de l’esprit priment sur les biens matériels, ils peuvent aussi bien faire leur truc entre la prière des musulmans et la prière talmudique. Car il ne faut pas se voiler la face. L’Etat, non content n’avoir volé nos églises, finira bien par nous en priver.
Ces déclarations sont purement scandaleuses, et stupides. Elles témoignent d’une sécularisation tellement aveugle que, sous couvert d’humanisme, on se croit autorisé à proposer n’importe quoi. Cela montre le cas qui est fait dans ce pays de la question religieuse. Cela témoigne de la méconnaissance totale du sacré.
Si le problème est le manque de lieux de culte, alors très bien. Construisons-en. Mais ne tombons pas dans la solution de facilité dictée par la même médiocrité ambiante, celle qui caractérise bien trop notre classe politique. Un lieu de culte est un lieu sacré. Une église ne saurait être à la fois église, mosquée ou synagogue. Face à cela, il nous appartient de rester vigilants, car une fois la porte ouverte, le péril peut se faire de plus en plus pressant.
[1] On peut le constater sur le site de l’Observatoire des subventions.
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