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Quelle sont les raisons profondes pour lesquelles la société s’est construite sur le modèle de la famille constituée autour du principe d’autorité paternelle ? Même les sociétés matriarcales, à notre connaissance, reconnaissaient l’autorité paternelle, le critère permettant de décider du caractère matriarcal ou non d’une société n’apparaissant que dans les règles de succession. Dire que cet usage est bon car il est ancien ne suffit pas ; effectivement, une si longue histoire emplie de succès doit bien signifier que l’autorité paternelle est foncièrement bonne, mais il faut tout de même s’en assurer.
Avant de se poser la question du caractère paternel de l’autorité, il faut tenter de mieux appréhender la notion d’autorité. Qu’est-ce que l’autorité dans une famille ? Il semble fortement qu’elle n’existe qu’à partir de l’instant où les mariés donnent naissance à des enfants. Au moins intellectuellement. Du coup, la décision de l’enfantement étant prise dès l’engagement matrimonial, l’autorité dans la famille existe dès l’échange des consentements. L’autorité est un phénomène naturel qui découle du simple fait que l’enfant faible est protégé et élevé par ses parents. Père et mère ont donc, dès la naissance d’un enfant, une nouvelle charge incommensurable envers les enfants qu’ils n’ont pas choisi – en dépit des illusions contemporaines – de porter tels qu’ils sont et à tel moment précis. Ils ont l’autorité de fait. La mère possède aussi, ainsi, une autorité vis-à-vis de son enfant. Il se trouve cependant qu’en regardant dans l’histoire les autorités maternelle et paternelle sont de natures différentes. Jusque là, rien de bien étonnant, la femme n’est pas homme et l’homme n’est pas femme : père et mère n’ont pas le même rôle ni dans la conception, ni dans l’éducation de l’enfant. Mais alors, pourquoi l’écrasante majorité des sociétés dans l’histoire ont naturellement « privilégié » l’autorité paternelle ?
Deux types de raisons peuvent être avancés en fonction de ces dernières, internes à la famille ou externes. Pour être tout à fait exact, toutes les raisons sont intimement liées à notre état naturel et à notre caractère obligatoirement social – nous ne pouvons vivre sans société ; même l’ermite a été élevé. Le premier élément de réponse permet de comprendre pourquoi l’autorité, en dernière instance, doit revenir à une seule personne ; et le second élément, pourquoi au père et non à la mère.
L’autorité, avons-nous dit, est naturelle. Il est néanmoins nécessaire qu’elle ne possède qu’une seule source et qu’elle soit absolue – c’est-à-dire sans autre contrainte que sa propre personne. Il serait en effet extrêmement dangereux pour l’unité de la famille, et donc pour les enfants, que l’autorité soit égalitaire entre les parents – on peut imaginer pire : que des fous décident que l’enfant autonome ait autorité sur lui-même. Cela ne signifie en rien que la famille est soumise au détenteur de l’autorité, ou que celui-ci décide de tout arbitrairement : bien sûr que non. Cela signifie simplement que le détenteur de l’autorité est le juge et l’arbitre, c’est à lui que revient la charge de trancher toute décision ultime. La nature et l’expérience nous montrent en effet que le plus dangereux n’est pas de prendre une mauvaise décision, mais que le danger réside dans l’indécision et la division. Le détenteur de l’autorité, sûr de posséder celle-ci, n’a jamais besoin de penser à l’assurer ou à s’installer dans un rapport de forces puisque, de toute façon, il est le juge ultime : toute la place est donnée à la communion entre les parents et à la bonne marche du foyer.
Là se trouve la raison de type externe qui renforce la nécessité de concentrer l’autorité chez un seul parent. Posséder cette autorité devant la société, car cette autorité dont nous parlons est aussi sociale : les deux parents ont bien entendu tout le temps leur autorité naturelle sur l’enfant, mais la nécessité fait reconnaître à la société la charge des décisions du foyer à un seul parent. Pourquoi cela est-il si nécessaire ? Tout simplement afin de permettre de sauver la famille et les enfants en cas de problème. La concentration de l’autorité chez un seul parent permet de concentrer aussi toute la responsabilité dans la personne ce parent. Un membre de la famille commettrait un crime ? Seul le détenteur de l’autorité subit la peine, laissant l’enfant – qui peut être l’auteur de ce crime – au soin de l’autre parent. Principe de la minorité pénale. La famille et l’enfant sont sauvés. Imaginez un instant que l’autorité soit égalitaire entre les parents : en cas de crime de l’enfant, les deux parents devraient être punis : mais qui, dès lors, s’occuperait des enfants ? Il faut bien saisir que l’autorité ainsi concentrée en une seule personne par sa nature (si l’autorité n’est pas absolue, la famille peut imploser ou exploser à tout moment) et par son inscription nécessaire dans la société (l’autorité en une seule personne permet de sauver toute la famille contre les dérives potentielles de ses membres et les reproches de la société, puisqu’un seul parent prend toutes les responsabilités) est une charge immense et non enviable. Bien fous les contemporains qui croient que l’autorité, qu’être chef de famille, est un privilège et un droit comparables aux apanages et passe-droits des gouvernants irresponsables de la république. Ces derniers ont abandonné toute autorité ; les parents, pas encore. Non : c’est un devoir et une charge.
L’autorité dans la famille doit donc être concentrée dans une seule personne.
Pourquoi alors doit-elle être paternelle, et non maternelle ? Là aussi il y a une raison interne et une raison externe.
La première raison est le déséquilibre naturel incommensurable en faveur de la femme : c’est elle qui enfante et c’est elle qui élève l’enfant dans les premiers temps de la vie. Il n’est jamais douteux que l’enfant soit bien celui de la mère. Il est toujours douteux que le père soit le père – surtout quand la vertu s’étiole comme dans nos contrées... Imaginez un peu que l’autorité soit maternelle : le père serait dans une position de faiblesse inouïe tant face à sa famille que face à la société. Cela explique d’ailleurs pourquoi le nom se transmet par le père et non par la mère, afin de rééquilibrer un déséquilibre qui pourrait nuire aux enfants qui seraient plongés dans une espèce de bâtardise morale et sociale. Et même si l’on considère les progrès de la génétique, outre le fait qu’il est complètement monstrueux d’imaginer un test ADN de paternité obligatoire – ce qui installerait une ambiance de défiance et un aspect systématique et bureaucratique déplorable – le père ne donne pas naissance, n’allaite point et n’occupe pas la place de la mère dans les premiers temps de la vie (ne serait-ce que le temps de gestation) : cela suffit à créer le déséquilibre évoqué précédemment.
La deuxième raison est que la mère et la femme sont plus précieuses que le père et l’homme à la famille et donc à la société. L’autorité paternelle permet en effet de préserver en dernière instance la femme. L’homme, de par son autorité, doit mourir, partir loin, recevoir les coups, ou tout ce que l’on peut imaginer s’il le faut, pour remplir sa charge. L’autorité paternelle généralisée permet de préserver les familles des troubles car, si elle est respectée, les femmes et les enfants ne doivent pas être tués pendant les guerres et doivent être épargnés en général à tous les niveaux imaginables. La femme est plus précieuse que l’homme pour la famille et pour la société, c’est pourquoi l’autorité est paternelle. La femme enfante en effet. Même si beaucoup d’hommes disparaissent, les femmes font perdurer la société. Le duc de Berry assassiné a eu son fils posthume. Imaginez que les femmes disparaissent à la guerre : plus que des hommes, avec ou sans enfants, en tout cas plus de nouvelles naissances, la société est en mauvaise posture et le genre humain en voie d’extinction ! Cette raison est essentielle. L’autre raison, qui est certainement accessoire, provient aussi du fait que la femme donne la vie : même sans l’homme, sa proximité avec les enfants la favorise dans l’éducation de ceux-ci. Il est un moindre mal que le père disparaisse ou soit absent plutôt que ce soit le cas de la mère. Il n’en reste pas moins évident que les deux parents sont l’idéal de la construction familiale, mais la famille n’a pas été faite pour être un idéal, mais pour affronter la vie tout simplement.
Vive l’autorité paternelle qui protège la famille, les femmes, les enfants et la société.
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