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Cet article fut publié le 17 avril 2013 dans Le Monde, il a ensuite été repris partiellement par Frankfurter.
Parisiens ou provinciaux, plutôt catholiques, connectés et de droite : la jeune génération occupe une place importante dans la mobilisation depuis novembre 2012 contre le projet de loi ouvrant le mariage et l’adoption aux couples homosexuels, qui devrait être formellement adopté mardi 23 avril.
Portés par la conviction que cette loi « injuste », « absurde » et « non débattue » fait courir la France vers une perte de ses valeurs morales, et animés par le sentiment d’être « méprisés » par un gouvernement qui les ignore, ces 18-25 ans battent en nombre le pavé, souvent pour la première fois. Une génération se construit ainsi une identité autour d’une cause devenue un lien générationnel entre des forces a priori disparates. Des jeunes qui promettent de rester mobilisés chaque soir, devant l’Assemblée, à partir de 19 heures, avant une « grande » manifestation le 21 avril.
Bertrand de Villèle, 21 ans, a été le premier à quitter, un peu groggy, le commissariat du 18e arrondissement de Paris, lundi 15 avril, où il a passé quelque seize heures en garde à vue pour avoir tenté d’installer des tentes devant l’Assemblée nationale dans la nuit. « C’est la première fois qu’une loi me fait descendre dans la rue, avoue cet adhérent de l’UNI, une organisation étudiante de droite. Mais depuis novembre dernier, je n’ai raté aucune manifestation, tellement cette loi me révolte. » Il tremble toujours, une vingtaine de minutes après sa libération.
La plupart des jeunes sont alertés par SMS, via les réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter, ou encore sur les nombreux blogs dédiés. "Il y a des SMS dans tous les sens !", sourit Carol Ardent, candidat à l’agrégation de lettres, et responsable du blog Le Rouge et le Noir, suivi par des milliers d’internautes et qui revendique 45 rédacteurs. « On publie et relaie tous les principaux mots d’ordre, s’enorgueillit le jeune de 24 ans, cheveux déjà poivre et sel assortis à son col roulé. Il n’y a pas vraiment de leader, chacun passe l’information à son niveau. » Un avis partagé par Thibaud, 25 ans, qui travaille dans un cabinet de conseil. Son compte Twitter lui prend jusqu’à deux heures par jour : « Je relaie des articles, je réponds à des personnalités, je discute avec des personnes qui ont des points de vue opposés », raconte ce Lyonnais.
Pour Carol, si les jeunes sont si mobilisés, c’est d’abord parce que leur génération est touchée par les divorces des parents. « Beaucoup d’entre nous ont souffert de l’absence d’équilibre père-mère et nous sommes conscients des dégâts que cela peut causer. »
Côme, lui, est « surtout scandalisé par la filiation ». Cet étudiant de 24 ans ne pense pas qu’il aurait manifesté contre le pacs, le pacte civil de solidarité, « mais empêcher un enfant d’avoir un père et une mère... ça va trop loin ». C’est la colère face au « mépris affiché par le gouvernement, qui multiplie les passages en force » qui le pousse depuis des mois, à faire des allers-retours entre Paris et Bruxelles, où il fait ses études.
La violence ? Il faut la chercher du côté de la police : « J’ai vu des jeunes filles de 22 ans, tout au plus, menottées violemment alors qu’elles étaient inoffensives, raconte Louis-Joseph Gannat, devant l’Assemblée nationale. Il ne faudra pas s’étonner si le mouvement se radicalise après ça. »
Comme l’ont concédé de nombreux jeunes, Vincent Bour, l’un des rares à se revendiquer du centre-droit, précise que « c’est l’attitude de François Hollande » qui mènerait, de fait, à un durcissement des positions. « Même ceux qui ne s’opposaient qu’à un projet de loi veulent la démission du gouvernement et du président », assure l’étudiant en droit de 22 ans, qui dénonce une atmosphère « cathophobe » et affirme avoir perdu beaucoup d’amis « qui ne sont pas ouverts au dialogue » depuis son engagement tardif, en janvier.
Un sentiment revient en boucle : les jeunes opposants au mariage pour tous n’acceptent pas de voir leur engagement « caricaturé », réduit à une démarche violente et homophobe par les politiques et les journalistes. « On nous dénigre, estime Clémence Grosjean, jeune professeure d’histoire-géographie. Il y a un ras-le-bol de ne pas être pris au sérieux. On nous a traités de fascistes mais je n’ai pas envie de mettre fin à la République ou à la démocratie ! »
Mais la « génération Y » a trouvé dans le combat une idée fédératrice. Faire l’Histoire. Ensemble. A l’image de Marie-Capucine Rabany, l’une des 67 gardés à vue de lundi. « J’ai l’impression de jouer un rôle pour mon pays. De réécrire l’Histoire chaque jour », confie l’étudiante de 19 ans, les yeux bleus soulignés par la fatigue. Elle est membre de l’organisation Camping pour tous, qui plante les tentes des manifestants. De quel bord politique est-elle ? « Droite », lâche-t-elle. Avant de reprendre après un silence : « Droite-Marine Le Pen quoi ! »
D’autres manifestants prennent moins de détours. « En tant que Français, nous devrions avoir le droit de défiler ou de poser des tentes où on veut, s’énerve Anaël Jolivel, 24 ans. Quand je vois que certains dans les banlieues peuvent casser ou agresser en toute impunité, ça me révolte ! J’ai l’impression d’être un terroriste dans mon propre pays. » Ils marchent et crient depuis plusieurs semaines aux côtés de manifestants qui se réclament de la droite traditionnelle. Et ne semblent pas près de se séparer. « La présence dans nos rassemblements de jeunes du Front national, du GUD (une organisation étudiante d’extrême droite) a été l’une des raisons initiales de mes réticences à m’engager, concède Vincent Bour, gêné. Mais finalement, on voit qu’il y a des gens de tous bords et que ça se passe bien. »
Etienne Arnaud, élève avocat de 24 ans plaide le réalisme : « Si on se mettait à appeler au vote Le Pen dans la Manif pour tous, je serais gêné. Et en même temps, Marine fait 17 % des voix à la présidentielle, donc ce sont aussi des gens qu’il faut écouter. Ils sont partout, pas seulement avec nous. »
Elève modèle, diplômé de Sciences Po Paris, propre sur lui, Etienne n’aurait jamais imaginé être dans la rue avant novembre dernier. Pourtant, il y trouve quelque chose « d’excitant, de galvanisant ». Surtout, comme beaucoup l’ont indiqué, il y a trouvé de nouveaux amis.
« Les manifestations anti-CPE en 2006 avaient créé une conscience politique de gauche. La Manif pour tous a créé une conscience politique de droite chez les jeunes. J’y ai croisé des gens avec qui nous avons désormais des souvenirs forts en commun », résume-t-il.
Carol Ardent approuve : quels que soient les bords politiques auxquels appartiennent les jeunes opposants au mariage homosexuel, ils constituent « une même génération pour qui ce combat sera un acte fondateur ». A l’avenir, « notre amitié comptera plus que nos chapelles », pronostique ce chrétien pratiquant.
Et il compte bien capitaliser ce combat commun. "A droite ou à l’extrême droite, beaucoup d’entre nous sont dans des instituts ou écoles prestigieux et seront amenés à diriger le pays demain. On ne s’oubliera pas."
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