L’infolettre du R&N revient bientôt dans vos électroboîtes.
On nous annonce sur Facebook le suicide de Jean-Marie Ferru, directeur de St-Bô.
Les anciens, dont je fais partie, sont totalement bouleversés. La mort, ça n’est pas grave. Ce sont les circonstances de ce départ qui nous ébranlent tous, nous les gars de St-Bô.
C’est si brutal, si soudain… Si difficile à croire ! Nous imaginions bien combien son « départ » du lycée auquel il avait tout donné l’avait détruit. Nous partagions sa tristesse avec colère et étonnement. Même ses "pires" élèves.. même et surtout les plus réfractaires clamaient leur incompréhension. Mais cet abandon, ce découragement lui ressemble si peu.
JMF nous a quitté.
Quelle colère est la mienne, ce soir ! Je lui en veux de nous laisser ainsi.
Il peut sembler déplacé ou totalement immature de manifester une quelconque rage au moment du deuil. Mais cette réaction est celle d’un grognard qui a perdu son Napoléon : il était avec nous, sur le champs de bataille ! On l’a vu chaque matin nous réveiller, nous mener. Et nous ne reconnaissons pas notre “Ruf” ici.
A-t-il agi par colère ? A-t-il agit dans la détresse ? A-t-il agi poussé par le Démon ? Je me repasse la scène depuis ce matin et j’ai tant de peine à me la figurer !
Non décidément c’est impossible ! Il m’est impossible d’accepter cela.
Que devons nous faire, nous, maintenant, à qui il a tant enseigné le calme, la mesure et le discernement dans la joie comme dans la peine ?
Tenter de défendre son honneur à corps et à cris serait si inutile. “Du bruit” aurait-il dit. Proclamer le “vrai empereur Marc Aurèle” ne sert pas l’Empire !
Non. Soutenir JMF, c’est continuer son oeuvre, c’est rester fidèles à Marthe et aux Foyers, c’est faire perdurer l’esprit St-Bô au sein de notre école qui se relèvera de ce drame... Peut être même plus forte ? “Tout est grâce” , nous dit Thérèse. Ça ne serait pas la première fois dans l’histoire de notre Eglise qu’une mort porte de grands fruits.
Il nous reste la prière des anciens, ces vendredis matins où l’on se sait portés par la ferveur d’une centaine de gars quelque-part en Drôme. Il nous reste les Foyers et ses membres admirables.
Bernanos nous le rappelle bien : “L’espérance est un risque à courir.” Aller on y croit et on avance. Si tout cela est bien un projet d’en-haut, alors continuons d’en être les artisans.
Mes larmes portent son deuil. Qu’Adonai lui pardonne. Son mérite est bien au dessus du mien.
Le Malin doit se frotter les mains. Prions. C’est tout ce qu’il y a à faire.
Il nous faut toujours humblement nous remettre au travail et à la prière pour rester dans les chemins du Seigneur. Cela ressemble d’ailleurs bien à l’attitude que JMF nous exhortait à adopter.
Tant de gars sont plongés dans le désarroi.
JMF, c’était l’autorité paisible. Nul besoin d’élever la voix, nous le suivions. Sa présence suffisait. JMF, c’est le genre de chef qu’on ne veut pas décevoir. C’était "Ô capitaine, mon capitaine" et la toute la relation un peu dure que peut avoir un engagé orgueilleux avec le chef qu’il admire.
On a tous au moins une fois rougi de notre indiscipline en classe, prise en flagrant délit par M. Ferru nous épiant du couloir. On riait alors un peu honteusement en le voyant hocher la tête de gauche à droite, certainement en train de grommeler "instinct grégaire !".
Oh, nous avons bien pu lui opposer quelques moqueries et résistances, comme notre rôle et le sien nous y incombaient… Mais combien l’admirions-nous...
… dans sa constance, dans son ardeur monastique et paternelle à nous mener à Dieu, à nous faire devenir ces hommes justes et cohérents avec leur foi et leurs ambitions.
Des années plus tard, la voix fervente et monocorde qu’on connait si bien, entonne toujours dans notre souvenir, à 8h20 précise, la consécration de ses gars :
"Je vous choisi, aujourd’hui Ô Marie, pour ma mère et ma reine".
Nous connaissions par cœur ses intonations, ses allures, ce geste du coude qu’il avait en empoignant son chapelet avant d’entamer la prière, imperturbable… ce petit haussement de la voix au début de ses oraisons, devenant presque inaudible sur les fins de phrases… la façon dont son pouce caressait les billes de son chapelet usé….
JMF, ce sont des images toutes simples, dont l’évocation nous fera toujours sourire.
Pas de grand héroïsme autre que la fidélité dans l’accomplissement de son devoir d’état. Pas de cyranesques extravagances, de grandes déclamations. Non, juste cet invariable et impeccable petit nœuds de cravate, ce petit sourire taquin nous rappelant à l’ordre et à la justice par ces petits mots rarement contestables. C’en était presque agaçant.
Nous entrions dans son bureau plein de revendications, de doutes, ou prêts pour les représailles. Il nous asseyait alors sur ce trône en bois massif sur lequel on se sent tout petit. Notre tirade, ou plaidoyer -c’est selon- était ponctué tantôt de ses soupirs, tantôt de ses rires. Quinze minutes pouvaient passer, il écoutait. Son regard profond nous sondait. Les fossettes creusées de malice, les sourcils froncés, il restait impassible, nous laissant aller nous même aux bonnes conclusions. Venait alors sa conclusion, quand d’une tape dans le dos il nous raccompagnait en riant.
Nous en sortions silencieux et un peu abasourdis : "Il n’y a rien à rétorquer, c’est limpide. Je me suis encore fait avoir !"
Saint Bonnard
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